J'ai marché

J’ai marché contre le grondement de la mer
La réverbération sur les dalles de pierre
Et le grillage de fer tressé

J’ai marché contre les gerbes d’écume lancées dans l’air
Contre les rouleaux d’eau déroulés en langue de marbre
Contre les nuages gris que le ciel amoncelle

J’ai marché contre les collines dégarnies de l’arrière-pays
Contre la lande désertique
Contre un complexe touristique

J’ai marché contre une maison chic pour riches exilés
Contre un bar de plage aux chaises défoncées
Contre « Angel » braillé dans un haut-parleur détraqué

J’ai marché contre le bruissement des fontaines
Le reflet des transats dans la nuit des piscines
Contre l’éclat d’un rire qui s’est déjà brisé

J’ai marché contre une pelouse artificielle
Contre un enfant et son vélo
Contre un corps affaissé au soleil

J’ai marché contre un pays qui patine
Sur l’argent qui le ruine en avenues bétonnées
Contre la poussière qui s'envole du dessous de ses pneus usés

J’ai marché contre la tristesse qui m’étreint
Contre ici, au large, là où le grondement de la mer s’éteint
Là où on oublie la peine qu’on vient lui confier
Pour qu’elle l’emporte avec elle
Et qu’on reste encore, un peu, ici à aimer.