Downtown New York


Les enfants hilares de Battery Park
J’ai descendu Manhattan entre les mines affairées, les cols blancs et les lunettes noires. J’ai longé les géants de verre, de pierre et d’acier, cherché les reflets du ciel dans le glacis de Wall Street et tracé vers le Sud, là où la mer arrive à la ville. Les enfants hilares, s’esclaffaient en s’éclaboussant dans les jets d’eau de Battery Park et je me suis assise pour m'imprégner de leurs rires. Puis j’ai marché encore, sentant contre ma peau, le souffle du vent chaud. Je me suis mêlée à la vague humaine qui s’engouffrait dans le ferry. Il fonçait maintenant sur Staten Island, le ciel était saturé de gris. Des lumières scintillaient à travers le voile de brume, diamants épars sur la rive de l'île. Les grues des chantiers ressemblaient à des girafes de métal. Et dans la baie, les lumières des tankers flottaient sur l’eau calme hérissée de vaguelettes.

Les pépites du Klondike


Réservoir d'eau sur  Flatbush Avenue
J’ai marché pour cogner mes pas contre le bitume. J’ai levé les yeux vers le ciel, entendu des voix, senti les mouvements d’autres corps que le mien. Sur Flatbush Avenue, à proximité de Brooklyn Bridge, une femme noire hurlait en s’agrippant à une petite fille dans une poussette. Et j'ai pensé à la mère, à la fille. Puis j’ai continué au hasard du bitume, à me perdre entre les falaises de New York. Le jour déclinait et à l'arrière-plan d'un gratte-ciel, le ciel obscur flamboyait. J’ai marché dans le souffle des voitures filant sur la chaussée défoncée, j'ai suivi la main lumineuse du feu d’Adam Street et j'ai filé sur la passerelle de béton qui serpente au-dessus des voies. Je me fondais dans le flot des corps et je mêlais mon rire aux rires enchantés surgis des i-pads. Devant moi s’élevaient les grattes-ciel du quartier financier. C’était de l’or qui brillait, les pépites du Klondike transformées en des milliers de carrés dorés, en un grand feu d’artifice qui chaque nuit, illumine le ciel de Manhattan.

Underground


Le métro a déferlé sur le quai dans un fracas de métal. Je me suis assise, parmi les usagers de la ligne A. Des blacks surtout. Une petite fille à la tête quadrillée de nattes Africaines. Et une femme à la peau abîmée. Un slim fushia, des tongs, un regard éteint. Une chaussure à talon aiguille était posée en vrac sur les sacs en plastique empilés dans son caddie. Je suis descendue à Nostrand avenue, j’ai emprunté les escaliers crasseux pour rejoindre la ligne C. Et je me suis retrouvée face à cette forêt de piliers d’aciers, à cette pénombre où reluisent les longues lignes de rails. A travers, me parvenait la lumière vive des néons du quai d’en face.

Dublin, l'affairée


Dans un pub, j’ai commandé la Olympic Gold, une bière maison spéciale Jeux Olympiques. Rafraîchissante, avec un léger goût d’orange, d’après le description sur les ardoises accrochées au mur. Tout est boisé ici, de l’escalier aux lambris qui couvrent les murs. Dans la pénombre, je distingue des visages jeunes, j’entends des voix qui plaisantent, des rires. Des vitres, me parvient la lumière des lampadaires du bord la Liffey. Il s’est mis à bruiner. Quand je suis arrivée dans l’après-midi, le ciel était sombre. Quand le soleil perçait, l’eau de la Liffey ressemblait à une grande plaque d’argent. Puis elle reprenait sa couleur de bronze, son air sale. Son niveau est bas et des algues noires pendent aux parois. La première chose que j’ai entendu en descendant du bus, ce sont les cris aigus des mouettes. Je les ai vues ensuite tournoyer au-dessus de l’eau, à grands coups d’ailes et de vols planés. Leur danse chaotique faisait écho à celles des bus et des voitures qui circulaient en tous sens à cette heure de la journée. Il ventait et les gens se recroquevillaient dans leurs imperméables. Sur le mur d’un pub, figurait cette citation de George Bernard Shaw : « If all economists where laid end to end, they would not reach a conclusion ». J’ai marché sous le vent, sous la bruine, ne sachant plus quel mois nous étions, juillet ou novembre.