Dimanche matin

Les ombres sur le mur
Je descends par la soeur Vially. A loin, le ciel s'étire comme un grand drap blanc fondu dans le bleu. Le soleil est déjà haut dans le ciel et la ville a pour contours, les lignes des arrêtes des immeubles, qui luisent dans la brume. Je descends encore et j'atteinds la portion ombragée de la rue. J'emprunte le virage dans lequel il faut donner un coup d'accélérateur. Les ombres sur le mur me rapprochent de Pierre Soulages. 
Plus tard, au parc, je déambule dans l'air décontracté du dimanche matin, entre les roues libres, le crissement des pas sur les graviers, les cours de musculation en plein air et le sourire timide, d'un enfant qu'on photographie. Je me promène dans les dahlias ronds et pourpres, dont les pétales sont serrés en alvéoles. 
Puis je rejoins le Rhône, là où la ville devient muette, et qu'on entend son souffle. Je marche dans les herbes folles, sur la terre battue et je vois l'envers de la ville, les larges piliers du pont où s'écoule le fleuve, large, et ridé par le vent.

Soleil du vent du Nord

Les banderoles volent sur la place Bertone. Je me faufile entre un podium, des stands déserts et des buvettes, où quelques ivrognes prennent leurs longueurs d'avance. Je parcours des lieux familiers, des visages surgissent du passé. Je ne suis plus à New York, les trottoirs ici sont plats et réguliers et le sol de la ville folle ne vacille plus sous mes pieds. Ce soir, le boulevard de la Croix Rousse est mon théâtre. Et je déambule sur cette scène improvisée, baignée par la lumière, du soleil du vent du Nord. 

Dernier morceau d'été

Dans les "O" de OnlyLyon
La ville aujourd'hui a revêtu son voile de brume. L'air est moite. Je longe le  lac. Des éclats de soleil  miroitent, le vent m'apporte des bribes de voix d'enfants. Deux canards passent en silence, un autre s'ébroue plus loin, dans l'eau vaseuse d'un bras du lac. J'avance encore, je suis la rive, je m'assieds sur un banc. J'écoute. D'ici me parviennent les cris des enfants, qui se régalent, d'un dernier morceau d'été.

Washington sqare

Ils dansent sur la tête, les mains, les brans, leurs corps tournoient au-dessus des fleurs de Washington square, du jaune et du blanc surgi du vert. Les passants passent, les couples s'embrassent, les musiciens font du jazz et les badauds regardent.

Central Park

Devant les bateaux à moteur
Au soleil couchant, l'onde réverbère sur la voile translucide du petit bateau à moteur. La ligne d'ombre ondule et la voile flambe.

Jardin japonais, Brooklyn botanic garden

L'éclat du soleil change l'eau du jet
En fines lames d'argent
L'eau déborde et coule
En s'égouttant sous la vasque
....
Deux tortues au soleil
Au sommet de la pierre grise
L'eau l'encercle et ondule
De petits mirroirs ovales
Apparaissent et disparaissent
Et des notes de musique
S'envolent d'un xylophone


Greene Ave

Des perles de buée
Sur la paroi de la carafe
La flamme de la bougie vacille
La goutte d'eau dégouline
La buée se change en fil d'or

Brooklyn

Il bruine sur Brooklyn. "Broken Land"- ainsi la dénommèrent les Hollandais - dérive au sud de Manhattan. Je longe les perrons, les escaliers et leurs rambardes laquées de noir, les murs de briques sombres - brownstones. J'aime la nuit de Brooklyn. "Hey, what's your name", m'interpelle une adolescente en me présentant sa paume rosée pour que je vienne y frapper la mienne. "Catherine", je lui réponds. Linda, se nomme sa petite soeur, 6 ans. Je lui demande le nom de la poupée qu'elle tient serrée contre son coude. Elle me sourit l'air intimidé. "She didn't give her a name", me répond son grand frère. 

Downtown New York


Les enfants hilares de Battery Park
J’ai descendu Manhattan entre les mines affairées, les cols blancs et les lunettes noires. J’ai longé les géants de verre, de pierre et d’acier, cherché les reflets du ciel dans le glacis de Wall Street et tracé vers le Sud, là où la mer arrive à la ville. Les enfants hilares, s’esclaffaient en s’éclaboussant dans les jets d’eau de Battery Park et je me suis assise pour m'imprégner de leurs rires. Puis j’ai marché encore, sentant contre ma peau, le souffle du vent chaud. Je me suis mêlée à la vague humaine qui s’engouffrait dans le ferry. Il fonçait maintenant sur Staten Island, le ciel était saturé de gris. Des lumières scintillaient à travers le voile de brume, diamants épars sur la rive de l'île. Les grues des chantiers ressemblaient à des girafes de métal. Et dans la baie, les lumières des tankers flottaient sur l’eau calme hérissée de vaguelettes.

Les pépites du Klondike


Réservoir d'eau sur  Flatbush Avenue
J’ai marché pour cogner mes pas contre le bitume. J’ai levé les yeux vers le ciel, entendu des voix, senti les mouvements d’autres corps que le mien. Sur Flatbush Avenue, à proximité de Brooklyn Bridge, une femme noire hurlait en s’agrippant à une petite fille dans une poussette. Et j'ai pensé à la mère, à la fille. Puis j’ai continué au hasard du bitume, à me perdre entre les falaises de New York. Le jour déclinait et à l'arrière-plan d'un gratte-ciel, le ciel obscur flamboyait. J’ai marché dans le souffle des voitures filant sur la chaussée défoncée, j'ai suivi la main lumineuse du feu d’Adam Street et j'ai filé sur la passerelle de béton qui serpente au-dessus des voies. Je me fondais dans le flot des corps et je mêlais mon rire aux rires enchantés surgis des i-pads. Devant moi s’élevaient les grattes-ciel du quartier financier. C’était de l’or qui brillait, les pépites du Klondike transformées en des milliers de carrés dorés, en un grand feu d’artifice qui chaque nuit, illumine le ciel de Manhattan.

Underground


Le métro a déferlé sur le quai dans un fracas de métal. Je me suis assise, parmi les usagers de la ligne A. Des blacks surtout. Une petite fille à la tête quadrillée de nattes Africaines. Et une femme à la peau abîmée. Un slim fushia, des tongs, un regard éteint. Une chaussure à talon aiguille était posée en vrac sur les sacs en plastique empilés dans son caddie. Je suis descendue à Nostrand avenue, j’ai emprunté les escaliers crasseux pour rejoindre la ligne C. Et je me suis retrouvée face à cette forêt de piliers d’aciers, à cette pénombre où reluisent les longues lignes de rails. A travers, me parvenait la lumière vive des néons du quai d’en face.

Dublin, l'affairée


Dans un pub, j’ai commandé la Olympic Gold, une bière maison spéciale Jeux Olympiques. Rafraîchissante, avec un léger goût d’orange, d’après le description sur les ardoises accrochées au mur. Tout est boisé ici, de l’escalier aux lambris qui couvrent les murs. Dans la pénombre, je distingue des visages jeunes, j’entends des voix qui plaisantent, des rires. Des vitres, me parvient la lumière des lampadaires du bord la Liffey. Il s’est mis à bruiner. Quand je suis arrivée dans l’après-midi, le ciel était sombre. Quand le soleil perçait, l’eau de la Liffey ressemblait à une grande plaque d’argent. Puis elle reprenait sa couleur de bronze, son air sale. Son niveau est bas et des algues noires pendent aux parois. La première chose que j’ai entendu en descendant du bus, ce sont les cris aigus des mouettes. Je les ai vues ensuite tournoyer au-dessus de l’eau, à grands coups d’ailes et de vols planés. Leur danse chaotique faisait écho à celles des bus et des voitures qui circulaient en tous sens à cette heure de la journée. Il ventait et les gens se recroquevillaient dans leurs imperméables. Sur le mur d’un pub, figurait cette citation de George Bernard Shaw : « If all economists where laid end to end, they would not reach a conclusion ». J’ai marché sous le vent, sous la bruine, ne sachant plus quel mois nous étions, juillet ou novembre.

J'ai marché

J’ai marché contre le grondement de la mer
La réverbération sur les dalles de pierre
Et le grillage de fer tressé

J’ai marché contre les gerbes d’écume lancées dans l’air
Contre les rouleaux d’eau déroulés en langue de marbre
Contre les nuages gris que le ciel amoncelle

J’ai marché contre les collines dégarnies de l’arrière-pays
Contre la lande désertique
Contre un complexe touristique

J’ai marché contre une maison chic pour riches exilés
Contre un bar de plage aux chaises défoncées
Contre « Angel » braillé dans un haut-parleur détraqué

J’ai marché contre le bruissement des fontaines
Le reflet des transats dans la nuit des piscines
Contre l’éclat d’un rire qui s’est déjà brisé

J’ai marché contre une pelouse artificielle
Contre un enfant et son vélo
Contre un corps affaissé au soleil

J’ai marché contre un pays qui patine
Sur l’argent qui le ruine en avenues bétonnées
Contre la poussière qui s'envole du dessous de ses pneus usés

J’ai marché contre la tristesse qui m’étreint
Contre ici, au large, là où le grondement de la mer s’éteint
Là où on oublie la peine qu’on vient lui confier
Pour qu’elle l’emporte avec elle
Et qu’on reste encore, un peu, ici à aimer.